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fit remettre au célèbre expert, qui logeait à l’Ange, un de ces pots de vin du Rhin par lesquels Louvain aimait honorer les maîtres…

Avant de dire un mot des dernières années de Thierry Bouts, parlons rapidement de quelques œuvres qui lui sont attribuées à l’étranger. Dans la chapelle royale de Grenade un triptyque représentant au centre la Crucifixion et sur les volets la Résurrection et le Christ en croix, est signalé comme une création capitale de l’artiste. Peinte à l’époque du Martyre de Saint Erasme, semble-t-il, c’est une œuvre d’une religiosité et d’un sentiment très purs. Par sa piété, ses belles qualités d’âme et son coloris expressif, Thierry Bouts était tout désigné pour le tableau de dévotion. Il a dû peindre de nombreuses Madones et certains critiques veulent même qu’il a sinon inspiré la grande série de Vierges à l’Enfant (données tantôt à van der Weyden, tantôt au peintre de Louvain) du moins sensiblement modifié par ses propres œuvres la vision que maître Roger avait de la Madone au début de sa carrière. On donne à Thierry Bouts la belle Madone Spitzer actuellement à la National Gallery et qui est très étroitement parente des Madones attribuées à Roger et ses disciples (celles notamment du Musée de Bruxelles). D’autres Vierges à l’Enfant sont cataloguées sous le nom de Bouts à Berlin, à Anvers, (Fig. L) à Francfort, à Florence (Bargello). On attribue également quelques portraits au peintre de Louvain ; la collection Oppenheim en possède un fort beau ; mais Thierry Bouts, qui prête une si grande vérité physionomique aux acteurs de ses compositions, n’est pas un traducteur très sévère des formes individuelles. On a pu lui reprocher d’être encore moins portraitiste que Roger van der Weyden.

Nous ne nous attarderons pas à décrire les œuvres douteuses qui, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Hollande, sont candidates au catalogue du maître ou même y ont été introduites sans hésitations[1]. Mais il est un groupe de tableaux dont les deux chefs-d’œuvre sont un triptyque de l’Adoration des rois (pinacothèque de Munich) et le Martyre de saint Hippolyte (cathédrale de Saint-Sauveur, Bruges) qui retient notre attention. Il pourrait figurer dans la liste des œuvres certaines de Thierry, si quelques particularités ne faisaient croire plutôt au travail d’un épigone plus gracieux et plus poétique que son sévère modèle, mais moins sûr dans l’art de la perspective et moins impeccable dans la science du dessin[2]. Le Martyre de saint Hippolyte (Fig. LV) est un

  1. Il nous semble que parmi les travaux consacrés à Th. Bouts, celui de M. Heitand, cité p. 79, contient le plus remarquable essai de catalogue des œuvres du maître.
  2. Cet épigone, M. Karl Voll le désigne sous le nom de « maître de la Perle du Brabant ». Voici quelles seraient ses principales œuvres : L’Adoration des rois de Munich (exquis tableau provenant de Bruxelles et que les frères Boisserée appelèrent la Perle du Brabant), le Martyre de saint Hippolyte (Bruges), une petite Vierge (Louvre), une Madone trônant (National Gallery), un Moïse devant le buisson ardent (Coll. R. Kann, Paris), une autre Adoration des rois (Gal. Liechtenstein).