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galerie ayant été dispersée, ils ont été réimportés (sic) par M. Nieuwenhuys à Bruxelles où ils ont fait partie pendant quelques années de sa collection. Il vient de les céder (en 1861) au gouvernement de S. M. le roi Léopold, pour en enrichir le Musée de l’État. » Ajoutons que les tableaux furent signalés à la Commission directrice des Musées en novembre 1860 ; au mois de décembre de la même année, la Commission, après avoir pris connaissance du rapport de ses deux experts, émettait un avis favorable à l’acquisition des deux compositions de « Stuerbout », — tout en faisant connaître au ministre que, suivant elle, ces ouvrages « ne réunissaient pas toutes les qualités d’exécution que l’on admire dans les travaux de moindres dimensions de ce maître » [1].

Les tableaux entrèrent finalement au Musée de Bruxelles pour 28, 000 francs.

Ces deux grandes peintures, au premier aspect, ne sont pas très séduisantes, à cause de leurs dimensions, des ornements gothiques ajoutés après coup dans la partie supérieure, à cause des formes allongées, des têtes osseuses, des corps ligneux de tous les personnages. Mais un grand esprit a conçu l’ensemble ; des sentiments essentiels parlent dans les deux scènes ; des types d’une vérité absolue y sont immortalisés ; toute la physionomie d’un siècle s’y résume. Voici que dans le pays flamand apparaissent tout à la fois, avec cette Légende d’Othon, et la peinture d’histoire et la peinture monumentale. Dans le premier tableau (Fig. LIII), l’empereur Othon, sur la dénonciation de sa femme, fait décapiter un gentilhomme innocent. Derrière la muraille qui enclôt leur domaine, l’accusatrice et son époux assistent à l’exécution. Celle-ci est traitée avec une mesure telle qu’on n’a point manqué de dénoncer le flegme excessif du peintre. Il faudrait le louer plutôt de son tact. Certains l’ont fait, — mais avec excès. En vrai poète. Bouts, a-t-on dit, fait naître des fleurs du sang des innocents. Mais primitivement, le cou détranché du gentilhomme apparaissait tout rouge, le sang en coulait sur le sol. C’est au commencement du xixe siècle, sans doute, qu’on aura modifié cette partie et peint les plantes qui dissimulent le cou[2]. Ce qui est admirable, c’est l’expression des acteurs principaux. L’empereur a besoin d’écouter sa femme pour se convaincre de la trahison du condamné ; mais un doute le tourmente ; l’impératrice cherche à dissiper cette inquiétude et suit sur le visage d’Othon l’effet des mensonges qu’elle renouvelle. Le gentilhomme marche avec énergie à la mort ; il se détourne de la souveraine dont il a repoussé l’amour et qui pour cela l’a dénoncé, et il exhorte sa femme à supporter courageusement l’épreuve. Un moine franciscain l’accompagne et semble plus ému que le condamné. Mais voici que

  1. Archives des Musées royaux de peinture et de sculpture de Belgique.
  2. « L’état de conservation du premier de ces sujets nous a paru ne rien laisser à désirer ; les seuls changements qu’on y a faits consistent à avoir caché le cou du corps décapité par une plante adroitement mise au premier plan. » Rapports des experts, 7 décembre 1860. Archives du Musée.