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C’est ce mariage sans doute qui décida le maître à s’installer à Louvain[1]. Les van der Bruggen possédaient des maisons, des fermes, des vignobles et le ménage de l’artiste s’installa dans une belle demeure patricienne de la rue des Récollets que Thierry Bouts habita jusqu’à la fin de sa carrière. Catherine Mettengelde lui donna quatre enfants, — deux fils, Thierry et Albert, qui furent peintres, et deux filles, Catherine et Gertrude, qui devinrent religieuses.

Instruit, lettré, écrivant élégamment sa langue maternelle, bien apparenté, riche, en pleine possession de son art, Thierry Bouts, selon toute vraisemblance, fut immédiatement l’artiste en vue de la cité. Nous ignorons toutefois comment se manifesta tout d’abord son activité à Louvain. Ce n’est qu’en 1462, par un Portrait de la National Gallery, que commence la série de ses œuvres authentiques parvenues jusqu’à nous. À partir de cette date jusqu’à sa mort, — en une douzaine d’années, — le maître produit une suite de compositions admirables où n’apparaît aucune signe de faiblesse, ni de vieillesse. Ce Portrait représente un vieillard posé à la mode du XVe siècle, l’une main sur l’autre, et coiffé d’une haute calotte. On y a vu à tort, pendant longtemps, l’effigie de de Thierry lui-même. Bien que les modelés et les contours ne soient pas aussi serrés que dans le portrait de Jean van Eyck, l’œuvre offre un intérêt supérieur parce que le coloris, d’une grande justesse, nous renseigne amplement sur la technique infiniment probe du maître et surtout parce que la vie de l’âme, exprimée avec profondeur, nous prépare aux beautés psychologiques de la Légende d’Othon. En 1462 également, Dierick Bouts avait peint un triptyque important, aujourd’hui perdu, que signale van Mander ; il représentait au centre la tête du Sauveur et sur les volets celles des saints Pierre et Paul. Dans la partie supérieure on lisait une inscription latine, conservée seulement dans sa traduction flamande et dont voici le sens : L’an mil quatre cent et soixante deux, après la naissance du Christ, Thierry, qui naquit à Haarlem, m’a fait à Louvain ; que le repos éternel lui soit accordé[2]. Ce triptyque, quelque précieuse œuvre votive sans doute, appartenait, du temps de van Mander, à un habitant de Leyde.

C’est peu de temps après (vers 1465 ?) que le maître peignit le Martyre de saint Érasme, conservé à l’église de Saint-Pierre, à Louvain, et commandé pour la décoration d’une chapelle dédiée au saint (Fig. XLVIII). Le panneau central représente le martyre et les volets montrent les figures des saints Jérôme et Bernard. Peut-être le donateur est-il un certain Gérard de Smet ou Fabri, maître des écoles de Louvain, qui institua à l’église Saint-

  1. Nous avons à peine besoin de dire que tous les renseignements que l’on trouvera ici sur la carrière louvaniste de Thierry Bouts sont empruntés à l’Ancienne École de peinture de Louvain, de Van Even. source obligée de tout travail sur le célèbre peintre de la Légende d’Othon.
  2. cf. le texte donné par Van Even : L’ancienne école de Louvain, p. 108.