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tingue Thierry de Harlem, de Thierry de Louvain, — mais par ce dernier il entend sans doute le fils aîné du maître. Dans les comptes de la ville de Louvain Dierick Bouts est appelé deux ou trois fois Stuerbout ; les scribes faisaient erreur et confondaient le maître avec un autre artiste[1]. De nos jours ce nom de Stuerbout faillit rester celui du peintre de la Légende d’Othon. Le marchand de tableaux Nieuwenhuys, — celui-là même qui trafiqua des volets de l’Adoration de l’Agneau — attribuait à « Dirk Stuerbout ou selon les anciens biographes Dirk de Harlem », les deux grands tableaux de justice actuellement au Musée de Bruxelles[2].

Disons quelques mots de cet Henri Stuerbout qui fut également peintre de la ville de Louvain et ne resta nullement confiné dans les travaux de décoration comme on l’a cru longtemps[3]. Il est cité avec la qualification de peintre de figures ou pictor ymaginum dans un acte reçu le 11 juin 1452. À ce moment il était le peintre le plus réputé de Louvain et les magistrats lui avaient confié trois ans plus tôt l’exécution des dessins et cartons d’après lesquels les tailleurs de pierre sculptèrent les deux cent trente bas-reliefs bibliques ornant la façade de l’hôtel de ville. Ces modèles furent achevés par Henri Stuerbout en 1451 ; la traduction en pierre, avec ses patriarches, juges, prophètes, rois en costumes contemporains, ses sujets mystiques et ses détails très profanes, constitue (ou plutôt constituait, car voici beau temps que les restaurateurs ont enlevé ces reliefs archaïques) une évocation un peu gauche mais complète de l’époque bourguignonne. Stuerbout brossa les décors des Jeux de moralité par lesquels se terminait le grand cortège annuel ou Omgang, enlumina des statues, des retables, et peignit des tableaux (un Jugement dernier, un Portement de croix notamment) ; mais rien de cela n’est conservé. Stuerbout n’est plus qu’un nom, bien effacé à côté de celui de Bouts.

Revenons à ce dernier. Il apprit sans doute son art en Hollande et nous pouvons le tenir en quelque sorte pour un disciple de Jean van Eyck ; ce dernier ayant vécu deux ans à la Haye avait dû soumettre tous les jeunes peintres hollandais à son style. De la vie de Bouts, à Harlem, nous ne savons rien, sinon qu’il habitait dans la rue de la Croix (de Kruysstrate) une vieille maison dont la façade s’ornait de têtes en relief[4].

  1. Cette opinion est celle d’Edw. van Even devant l’autorité de qui nous nous inclinerons aussi longtemps que la question « Bouts-Stuerbout » n’aura pas fait l’objet d’un nouvel examen approfondi.
  2. Nieuwenhuys. Description de la galerie de S. M. le roi des Pays-Bas. Bruxelles, 1843. De même, Remarques sur quelques tableaux historiques, 1861.
  3. Cf. surtout pour Hubert Stuerbout : Edward van Even : L’Ancienne école de peinture de Louvain, Bruxelles et Louvain, 1870 ; chapitre IV (La famille Stuerbout, Hubert Stuerbout père, Hubert Stuerbout fils, etc.) pp. 56 et suiv.
  4. Cf. la traduction du texte de van Mander dans Alph. Wauters, op. cit., p. 7. Cf. aussi Ed. de Bruyn. Thierry Bouts dans l’Art moderne, 2 février 1908.