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également d’une façon manifeste l’influence du Maître de Flémalle. Le Christ en croix rappelle nettement le Christ d’une Crucifixion du Musée de Berlin, attribuée au peintre de l’Annonciation de Merode.

Bruges, on le voit, garde en ses trésors artistiques maints reflets de l’art du Maître de Flémalle. Faut-il y voir une preuve de plus à l’appui de la thèse identifiant Jacques Daret avec le grand peintre anonyme ? Il est certain que venant diriger les travaux de décoration aux noces de Charles le Téméraire, Jacques Daret aura exercé le plus vif prestige sur le milieu brugeois, et bien des jeunes peintres auront cherché à l’imiter dans la ville qui était alors notre plus grand centre artistique.

Si l’inspiration du Maître de Flémalle ne se trouve point à toutes les pages de l’art du XVe siècle, comme celle de Roger van der Weyden, en plus d’une circonstance, on le voit, elle apparaît vivante et décisive. C’est ainsi qu’on peut encore rattacher à sa personnalité le groupe des tableaux représentant la Messe de saint Grégoire. Ici, encore une fois, l’original du maître a disparu. La réplique de la collection Weber de Hambourg est datée de l’année 1514 ; elle fait songer au diptyque du Mariage de la Vierge à Madrid[1], par la physionomie de l’église et l’attitude de l’officiant. M. Hymans signale à propos de cette Messe de Hambourg un détail curieux[2] Le cierge, tenu par l’acolyte s’enroule sur une tige et ses spires déroulées lui donneraient une prodigieuse longueur, — ce qui viendrait corroborer l’hypothèse de l’origine tournaisienne du peintre : en 1346, en effet, les Tournaisiens vouèrent à la Vierge un cierge ayant la longueur du grand tour de la procession… Une Messe de saint Grégoire cataloguée au Musée de Bruxelles comme une œuvre du maître de la Parenté de la sainte Vierge ne devrait-elle pas être rattachée au même cycle ? Le tableau est du commencement du XVIe siècle ; l’architecture du fond, qui a donné lieu à d’amples gloses, pourrait bien être inspirée par le transept de Notre-Dame de Tournai. Nous nous trouvons ici, il est vrai, en présence d’une variante qui, tout au moins par l’aspect du décor, s’écarte sensiblement de la version précédente.

Le Maître de Flémalle aurait peint également des portraits ; on croit en reconnaître à Londres, à Berlin (deux portraits d’homme au Musée et un portrait de vieillard dans la coll. Gumprecht) et enfin à Bruxelles où M. von Tschudi désigne, comme étant de sa main, le portrait de Barthélémy Alatruye (Fig. XLVI), conseiller à la Chambre des comptes à Lille, décédé à La Haye en 1446 et celui de sa femme Marie Pacy, morte en 1446 (Fig. XLVII). Les deux personnages sont portraiturés

  1. Une autre répétition, d’une autre main, existe dans une collection privée du Portugal.
  2. L’Exposition des Primitifs, 1902.