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à l’église Notre-Dame d’Anvers ; d’un côté, sous un portique, les fiançailles, de l’autre dans l’intérieur de l’église, le mariage. Toutefois certaines particularités physionomiques différencient assez notablement cette œuvre de l’Annonciation de Merode et de la Vierge de Somzée. Il est cependant hors de doute que le Maître de Flémalle est le créateur des scènes familières de la vie de Marie et de Joseph. Il existe à l’église d’Hoogstraeten une sorte de frise de 2 mètres de long sur 60 centimètres de haut qui représente la Légende de saint Joseph, peinture assez rude exécutée sur fond d’or, mais très expressive et d’un grand intérêt documentaire (Fig. XLII). Les scènes des fiançailles et du mariage sont inspirées par le tableau de Madrid ; les autres épisodes et même le paysage remontent au style du Maître de Flémalle. L’un des groupes montre saint Joseph agenouillé devant Marie et s’accusant de l’avoir soupçonnée ; l’époux de la Vierge porte à la ceinture des outils de charpentier ; d’autres, trop volumineux, sont déposés à terre. « Ces outils, nous les connaissons pour les avoir vus aux mains de Joseph dans le retable de Merode, où il façonne des souricières[1] ». Le tableau d’Hoogstraeten est vraisemblablement la copie plus ou moins fidèle d’un original qui fut en possession de la famille seigneuriale de l’endroit, les sires de Lalaing ; dans les détails de cette œuvre perdue, le génie du peintre-conteur avait sûrement rivalisé une fois de plus avec la vie.

Avant de parler de l’œuvre qui a valu au maître son surnom universellement célèbre et qui domine, le cycle de ses Madones, retournons au Musée du Prado pour y admirer deux panneaux d’extraordinaire beauté — les volets d’un triptyque dont la partie centrale est perdue — qui, avec les fragments de l’Institut Staedel, nous renseignent sur les plus hautes aspirations de l’artiste. Une inscription sous le volet gauche nous apprend que l’œuvre fut exécutée en 1438[2] et que le donateur est Heinrich de Werl, célèbre savant et orateur de l’ordre des Minorités, à Cologne, qui mourut à Osnabrück en 1461[3]. Ce docte religieux est représenté avec saint Jean-Baptiste dans un intérieur gothique coupé en deux par une paroi à laquelle est pendue une glace bombée qui fait penser à un accessoire semblable de l’Arnolfini de Londres. Remarquons avec M. K. Voll que le geste de saint Jean reproduit le geste du Christ peint par van der Weyden dans son Retable de Saint-Jean (Musée de Berlin). Jean

  1. H. Hymans. L’Exposition des Primitifs flamands, 1902, p. 200.
  2. Voici l’inscription : Anno milleno centum quater decem ter et octo bic fecit effigiem depingi minister Henricus Werlis magister colonensis — Le Maître de Flémalle ne saurait donc être, comme on l’a proposé, Hubert van Eyck mort, comme on sait, en 1426.
  3. Né en Westphalie, il fut pendant trente-deux ans provincial des frères mineurs de l’Université de Cologne, puis après 1432 professeur à l’Université. Il prit part au Concile de Bâle en 1441. Cf. Pol de Mont. Les Chefs-d’œuvre d’art ancien à l’Exposition de la Toison d’or, Van Œst, 1908, Bruxelles.