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de Merode[1]. Il faut noter les qualités de vie exacte et intime que l’on rencontre dans quelques-unes de ces œuvres. Marie et l’Enfant de la pinacothèque de Turin (attribuée par erreur à P. Christus) est un charmant tableau de genre. Dans la Madone de la collection Cook nous assistons à la toilette de l’Enfant Jésus ; la Vierge présente sa main au foyer « avant de la porter sur les chairs délicates de son enfant »[2]. Le Maître de Flémalle s’est fait le peintre du bonheur intime de Marie, de ses fiançailles, de son mariage, de sa jeune maternité, de son ménage égayé par le labeur pittoresque de saint Joseph. On ne signale dans cette série qu’une seule œuvre d’allure dramatique : la Mort de Marie (National Gallery). — Nous rattacherons encore à ce cycle l’Adoration des bergers du Musée de Dijon[3], un tableau de joie et de clarté qui, selon toute vraisemblance, sort également de l’atelier du Maître de Flémalle, encore que l’abus des philactères, chargés de lettres étranges, transforme cette œuvre en une sorte de grande miniature et l’éloigné ainsi du style sobre et sculptural du peintre de l’Annonciation. Mais le saint Joseph de cette Adoration est frère de l’artisan que nous admirons dans le retable de Merode, et la Vierge blonde, ouvrant ses belles mains, agenouillée dans les plis neigeux de son manteau, les trois bergers qui accourent, ont cette vérité parlante, sans emphase, exquise enfin, qui est l’un des charmes du « Maître à la souricière ». — C’est ce mérite que nous distinguons aussi dans une Annonciation du Musée de Bruxelles (Fig. XLV) cataloguée comme une production de l’école hollandaise du Bas-Rhin[4]. Partagée en deux, comme le Mariage de la Vierge du Prado, la composition montre (d’une part la chambre du mystère, de l’autre une cour avec des épisodes de la vie de la Vierge et de sainte Anne). Les accessoires : la fontaine, le prie-Dieu, les bahuts, l’horloge, — et aussi un curieux sentiment de la perspective, — apparentent ce tableau aux éloquents intérieurs du maître qui détailla l’échoppe de saint Joseph dans le retable de Merode et peignit l’admirable chambre de la Vierge de Somzée. Bien entendu l’œuvre n’est point signalée ici comme un original du maître, mais comme un témoignage de la vive empreinte spirituelle du grand peintre anonyme sur l’art contemporain.

À rattacher encore au groupe des compositions qui racontent l’existence terrestre de Marie, un Mariage de la Vierge du Prado, attribué au Maître de Flémalle par M. von Tschudi. On y revoit les épisodes du curieux tableau que nous avons signalé

  1. Cf. catalogue Wauters no 533. — Il existe une Madone dans la collection Salting qui est donnée par M. Weale à Daniel Daret, frère de Jacques.
  2. Hymans. Les Primitifs flamands. Gazette des Beaux-Arts, 1901.
  3. Cf. Lafenestre. Exposition des Primitifs français. Paris, Gazette des Beaux, 1904.
  4. Cf. Catalogue Wauters no 548.