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être persuadé ; que son art soit proche de celui de van der Weyden, c’est tellement certain qu’on a commencé par attribuer au pourtraiteur de Bruxelles maintes œuvres du Maître de Flémalle[1]. Mais les différences entre les deux artistes sont notables aussi et de nature telle qu’on peut se demander si vraiment nous sommes en présence des deux peintres formés à la même école. Il arrive que la plasticité du Maître de Flémalle est d’un caractère rhénan très accentué. Sa Vierge, dite de Somzée, par son austérité sculpturale faisait contraste à l’Exposition des Primitifs de Bruges avec les œuvres brillantes en tons de nos maîtres ; il semblait presque que ce ne fût point une peinture de chez nous.

L’Annonciation de Merode (Fig. XLI) montre la Vierge au centre vêtue d’une robe et d’un manteau rouge ; elle tient un missel ouvert et ne semble pas s’apercevoir de la présence de l’ange dont elle est séparée par une petite table ronde où le lys virginal s’épanouit dans un vase d’aspect persan. Si fortement modelées que soient les figures, si soigneusement traitées que soient les draperies, ce qui nous captive c’est le décor, d’une précision, d’un esprit, d’une justesse incomparables, ce sont les entaillures délicates du banc et des volets, les objets en dinanderie, le cierge qui se consume… Sur le volet de droite (à gauche du spectateur) figurent les donateurs, les époux Ingelbrechts croit-on, de Malines ou de Bruges[2] agenouillés dans une cour qu’entoure un mur crénelé. Derrière eux un personnage ouvre une porte et l’on aperçoit un bout de rue avec une vieille femme assise prenant le frais et un cavalier monté sur un cheval blanc… À gauche, saint Joseph, dans son échoppe, termine comme nous l’avons dit une souricière. Quelle figure savoureuse que celle du Père nourricier ouvrant ses trappes à rongeurs ! L’habile artisan, en chaperon bleu et robe de bure, a placé sur l’appui de sa fenêtre un échantillon de son savoir-faire. À travers la baie on découvre

  1. M.  Masse identifie le Maître de Flémalle avec le Roger de Bruges dont parle Van Mander et que la critique ne sépare plus de nos jours de Roger van der Weyden. Pour M.  Firmenich.-Richartz les œuvres attribuées par M.  von Tschudi au Maître de Flémalle sont des œuvres de jeunesse du grand pourtraiteur de Bruxelles. M.  James Weale voit dans la production du Maître de Flémalle trois artistes différents ; M.  Lafenestre, de son côté, en voit au moins deux.
  2. Les fenêtres dans la partie centrale montrent des blasons représentant, suivant M.  von Tschudi, à droite, les armes de la famille flamande Ingelbrechts, à gauche, celle de la famille rhénane Calcum. Les armes de droite, celles du donateur par conséquent, ont été portées à Malines dans la première moitié du XVe siècle par des membres de la famille Ingelbrechts. Ajoutons que l’œuvre provient de Bruges. — Une réplique assez fidèle de l’Annonciation provenant du château de Hanau, est conservée à la galerie de Cassel, Les critiques ont dû se contenter tout d’abord — M.  von Tschudi en tête — de la reproduction de cette copie ; M.  Karl Voll l’a publiée également dans le Tafelwerk de son ouvrage : Altniederländische Malerei von J. van Eycke bis Memling, L’Annonciation de Mérode est également reproduite dans un dessin à la plume de la Bibliothèque de l’Université d’Erlangen. Cf. la note consacrée au retable de Merode par M.  Pol de Mont dans Les Chefs-d’œuvre d’art ancien à l’Exposition de la Toison d’Or. Van Œst 1908. Bruxelles.