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Tournai le dessin d’une lampe destinée à l’église abbatiale de Saint-Vaast et celui d’une croix monumentale pour la place Saint-Vaast ; enfin il dore une colombe, des candélabres, un support appartenant à l’église de la même abbaye. En 1454 il est à Lille et collabore avec ses quatre « valets » aux fêtes fameuses du Vœu du Faisan. Seul entre tous les maîtres « estrangiers » il reçoit vingt sous par jour, tandis qu’un Simon Marmion ne reçoit que douze sols. En 1461 sa ville natale lui paye l’étoffage d’une statue du beffroi : « A maistre Jaques Daret pour son sallaire d’avoir point le personnage de pierre sur la tourelle ou fiolle du Belfroy, 9 livres  ». En 1468, parvenu sans doute au faite de sa réputation, nous le rencontrons à Bruges où les meilleurs peintres des Pays-Bas étaient rassemblés pour décorer luxueusement la ville à l’occasion des noces de Charles le Téméraire et de Marguerite d’York. Daret a-t-il vraiment dirigé les travaux ? On l’a affirmé[1], puis contesté[2]. « A Jaques Daret — disent les comptes de Bourgogne — maistre pointre demourant à Tournay, conduiteur de plusieurs autres pointres soulz lui, payet pour XVI jours qu’il a ouvré de son mestier aux autremetz… au pris de XXIIII s. pour son salaire et III s. pour sa dépense de bouche. » Il touche donc 27 sols par jour ; un maître ouvrier de la ville de Bruxelles, Frans Stoc, jouit seul d’un traitement semblable tandis que Hugues van der Gous, maître il est vrai depuis un an seulement, ne recevait que 14 sols par jour.

Ces faits démontrent l’importance artistique de Jacques Daret ; ils ne prouvent point qu’il ait été capable de peindre les admirables tableaux qui composent le catalogue du Maître de Flémalle et les raisons esthétiques par lesquelles on a cru fortifier cette identification ne sont point des plus convaincantes. On a souligné les qualités narratives du Maître de Flémalle, son souci du récit pittoresque, sa manière de concevoir le retable, qu’il ne traitait plus comme une œuvre décorative en intime harmonie avec l’architecture, mais comme un objet meuble, un véritable tableau au sens moderne. Et l’on a dit que ces tendances, qui sont en effet, d’une façon presque constante, celles du « Maître à la souricière », il était naturel qu’on les rencontrât chez le dessinateur de cartons de tapisseries qu’était Jacques Daret, chez le décorateur qui inventa les subtiles merveilles des fêtes brugeoises de 1468… Ne sent-on pas que ces vraisemblances n’atténuent point la témérité initiale de l’hypothèse ? Le Maître de Flémalle était Tournaisien, ajoute-t-on, et son art est extrêmement voisin de celui de Roger van der Weyden. Qu’il fût Tournaisien, nous le voulons bien croire sans en

  1. Hulin, Catalogue, p. XXXIX.
  2. A.-J. Wauters, L’École de Tournai, op. cit. p. 222.