Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le « Maître à la souricière » tel est le premier nom qui fut donné à l’artiste, — parce que dans l’un des volets du triptyque de Merode, saint Joseph s’applique à forer de trous réguliers la planche d’une souricière, — et ce nom caractérisait à merveille l’art du grand peintre anonyme. On proposa ensuite celui de « Maître du retable de Merode » qui paraissait devoir s’imposer, quand M.  von Tschudi publia sur l’artiste inconnu une étude critique très complète, avec reproductions des principales œuvres qui lui sont attribuées[1]. Et comme M.  von Tschudi croyait que les pages importantes qui sont à l’Institut Staedel provenaient de l’ancienne abbaye de Flémalle au pays de Liège, il désigna le peintre inconnu sous le nom de « Maître de Flémalle ». Cette désignation a prévalu. Il n’est pas du tout certain que les fragments de Francfort aient jamais appartenu à l’abbaye mosane ; le nom de « Maître de Merode » eût été plus sûr ; celui de « Maître à la souricière » plus joli. Mais ni la raison, ni le goût ne guident l’usage. On a dénoncé the absurd title of Master of Flémalle ; il est le seul pourtant qui connaisse la popularité et c’est avec lui que l’artiste a pris rang parmi nos plus célèbres primitifs.

On a fait honneur des œuvres du Maître de Flémalle à Jacques Daret, peintre tournaisien, compatriote par conséquent de Roger van der Weyden et vraisemblablement aussi condisciple de Roger chez Robert Campin[2]. Jacques Daret fut l’un des peintres les plus en vue du XVe siècle et nous pouvons assez bien suivre, à travers diverses mentions, les étapes de sa carrière, sans qu’aucune œuvre de sa main ait hélas ! conservé un vestige de dossier. En 1418 Jacques Daret figure déjà parmi les aides de Campin ; en 1427 il est inscrit comme apprenti à Saint-Luc ; le 18 octobre 1432 il est reçu maître et le même jour, fait exceptionnel, on le nomme prévôt de la Gilde. Jusqu’en 1444 sa carrière se déroule à Tournai et nous ne connaissons qu’un seul fait se rapportant à lui durant cette période : à la date du 18 mai 1436 il avait un disciple du nom d’Eleuthère du Prêt. En 1441, il est mandé à Arras pour fournir aux fabriques de tapisseries des cartons représentant des sujets historiques et religieux. Il s’installe dans cette ville, semble-t-il, de 1449 à 1453 ; il y exécute pour l’abbé de Saint-Vaast « ung patron de toille de couleur a destempre… ouquel est listoire de la Resurection Nostre Seigneur Jhesu Crist bien pointe et figurée », patron qui fut traduit en tapisserie de haute-lisse ; il fournit au célèbre fondeur Michel de Gand à

  1. Der Meister von Flemalle. « Jahrbuch der Kön. preus. Kunstsammlungen », fasc. I et II. Berlin 1898.
  2. Tout le mérite de cette identification revient à M.  Hulin de Loo. Cf. son Catalogue de l’Exposition de Bruges, p. XXXV : Jacques Daret et le Maître de Flémalle. Cf. aussi Maeterlinck, Chronique des Arts, n°30, 1901 ; Houtard Maurice, J. Daret, peintre du XVe siècle tournaisien. Tournai, 1907 ; A.-J. Wauters, L’École de Tournai. Revue de Belgique, nov. 1907 et Wurzbach, Niederländisches Künstler Lexikon, art. J. Daret.