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il donnait procuration à deux habitants de sa ville natale pour régler les intérêts de Henriette, fille de sa sœur Jeanne de la Pasture. Qu’on ne s’étonne point de ces fréquentes mentions financières. « Il devint très riche », dit van Mander — le fait est positivement confirmé par des documents — « et laissa aux pauvres d’abondantes aumônes », ajoute le chroniqueur, qui prend ses informations chez le grand admirateur de Roger, Lampsonius, lequel avait écrit en parlant du peintre de Bruxelles : « Les biens que tu laissas à la terre périront sous l’effort du temps, mais tes bonnes œuvres brilleront impérissables au ciel. » Lampsonius, dans son lyrisme, semble avoir quelque peu exagéré la charité du pourtraiteur de Bruxelles. Les tables des pauvres de Sainte-Gudule ne renseignent en 1464, année de la mort du maître, qu’une somme de 2 peters valant 9 sous de gros, payée par les exécuteurs testamentaires le 13 juin[1]. La bienfaisance et la pitié de Roger doivent tout de même être mises hors de doute ; elles ajoutèrent sûrement à l’émotion produite par sa mort et qu’une épitaphe perpétue avec éloquence : « Sous cette pierre, Roger, tu reposes sans vie, toi, dont le pinceau excellait à reproduire la nature. Bruxelles pleure ta mort : elle craint de ne plus revoir d’artiste aussi habile. L’art gémit aussi, privé d’un grand maître que nul n’a égalé. »[2]

Roger van der Weyden laissait trois fils et une fille. Corneille, le fils aîné que nous avons déjà mentionné, mourut en 1473 ; Pierre, le second, fut peintre et mourut après 1514 ; Jean, le cadet, devint orfèvre et mourut en 1468. Pierre eut un fils, Goswin, qui peignit également et mourut à Anvers laissant à son tour un fils peintre qui porta le nom de Roger[3]. Mais surtout la postérité artistique du grand Roger de la Pasture fut considérable. Des maîtres de premier ordre se contentèrent d’être ses dociles imitateurs ; la vogue de ses compositions maîtresses est proclamée par le nombre de leurs répliques ; la plupart des maîtres néerlandais ont subi son action et les plus grands n’ont pu s’y soustraire : le maître de Flémalle, Thierry Bouts, Memlinc qui fut peut-être son élève. Son génie s’imposa aux écoles d’Alsace, de Nuremberg, d’Italie, ainsi qu’en témoignent Martin Schoen, Frédéric Herlin, Zanetto Bugatto, Angelo Parrasio. Rares sont les œuvres flamandes de la deuxième moitié du XVe siècle, où n’apparaisse le reflet de son œuvre mystique. Considérez l’important panneau de l’église de Notre-Dame d’Anvers représentant en deux parties les épisodes de la vie de saint Joseph (Fig. XXXVIII, à droite l’Élection du saint, à gauche le Mariage de

  1. Pinchart, Bulletin des commissions royales d’art et d’architecture, t. VI, p. 478.
  2. Cf. Alph. Wauters, Roger van der Weyden, op. cit. p. 44.
  3. L. de Burbure, Douments biographiques sur les peintres Goswin et Roger van der Weyden le Jeune, Bulletin de l’Académie de Belgique, 1e série, t. XIX (tiré à part, Hayes, 1865).