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tyque de Miraflorès nous avait déjà montré un Dieu de pitié « estant es bras de Nostre-Dame ». Un tableau du Musée de La Haye reproduit encore le motif à l’extrême fin du XVe siècle[1]. Peu de maîtres ont alimenté l’imagination de leur siècle aussi généreusement que Roger van der Weyden.

C’est des dernières années de sa carrière que date vraisemblablement le merveilleux Retable des Rois Mages (pinacothèque de Munich) qui provient de l’église de Sainte-Colombe, à Cologne, où il était encore dans la seconde moitié du XVe siècle. On a vainement essayé d’identifier les personnages de la partie centrale ; les splendeurs de l’époque bourguignonne se transposent dans leurs habits magnifiques et leur groupement anime de solennité princière les ruines où Jésus vient de naître et à travers lesquelles on aperçoit dans le fond, silhouettée sur un ciel bleu, une ville qui serait Middelbourg. Voici une œuvre qui dit clairement l’admiration du grand maître flamand pour Gentile da Fabriano. Charme, éclat, spiritualité s’y harmonisent admirablement. Les naïvetés archaïques ont disparu ; plus de banderoles, plus d’inscriptions ; et si les personnages sont encore rangés trop exclusivement sur le devant de la scène, si le paysage urbain n’est qu’un décor, exquis et lointain, d’où l’âme de l’œuvre est comme absente, l’effet total est si heureux, l’exécution technique si sûre, la candeur de la Vierge si douce et si bonne que seules viennent à l’esprit des idées d’admiration et d’adoration. Les volets représentent l’Annonciation et la Présentation au temple. Cette dernière scène nous introduit dans une église romane qui rappelle le transept de l’église de Tournai, et ce décor donne une ampleur extraordinaire à la cérémonie qui offre encore une fois ce double caractère de réalité et de mysticisme que nous avons souligné dans le triptyque des Sept Sacrements[2]. L’Annonciation est une adorable composition qui fait pressentir l’art suave et féminin de Memlinc. Une petite Annonciation du Musée d’Anvers (Fig. XXXII) permet, d’ailleurs, d’apprécier avec quelle grâce ingénument vraie Roger interprétait le mystère initial de la rédemption. Le tableautin d’Anvers est une sorte de miniature, très brillante avec son lit à dais vert et à couverture écarlate, avec les jolies taches blanches et bleues des vêtements de l’ange et de la Vierge. L’exécution manque de fermeté, surtout dans les têtes ; aussi n’est-on point convaincu de l’authenticité de l’œuvrette. On l’a rapprochée d’un groupe de petites peintures qui comprend une petite Madone debout et une Sainte Catherine de Vienne ainsi que trois Visitations (Turin, Lützschen et Louvre), toutes œuvres de petites dimensions en étroite parenté avec les œuvres certaines de Roger[3].

  1. M.  Friedländer signale une réplique de la Pietà de Bruxelles chez Earl of Powis, à Londres.
  2. Il existe au Musée de l’hôpital de Bruges un admirable triptyque de Memlinc qui s’inspire du Retable des Rois de van der Weyden pour la partie centrale et la scène de la Présentation.
  3. Cf. Friedlander. Die Brügger Leibaustellung von 1902. Berlin, 1903.