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gêne pour nous rallier sans réserve à l’hypothèse Bugatto et nous pensons qu’il faut attendre pour prononcer sans hésitation le nom du peintre milanais devant le triptyque des Sforza.

Revenons à présent quelque peu sur nos pas.

Le 16 juin 1455 Jean Robert, abbé de Saint-Aubert à Cambrai, fit accord avec « maistre Rogier de la Pasture, maistre ouvrier de paincture de Bruxelles » pour l’exécution d’un retable de six pieds et demi de haut et cinq de large[1]. L’œuvre fut achevée quatre ans plus tard à la Trinité et transportée à Cambrai sur un chariot attelé de trois chevaux. Depuis, il fut « payet à Hayne jone peintre pour poindre autour dudit tableau la liste et le deseure et jusques as cayères du cuer, LX sous du nostre » c’est-à-dire qu’une somme de soixante sous fut donnée à Hayne, jeune peintre, pour peindre le cadre du tableau, son couronnement et les stalles du chœur. On a supposé que « Hayne jone » pourrait bien être Hans Memlinc et nous aurons à examiner dans la suite la valeur de cette hypothèse. Le retable de Jean de Saint-Aubert est perdu. On a cru pouvoir l’identifier naguère avec un grand tableau d’autel qui est au Prado à Madrid et qui montre dans une église gothique la Crucifixion[2] avec Marie et Jean au pied de la croix, tandis qu’un encadrement architectural traité comme celui des retables de Saint-Jean et de Marie à Berlin, s’anime des scènes de la Passion et de la représentation des sept Sacrements. Mais la médiocrité de la facture interdit l’attribution de ce retable du Prado au grand peintre bruxellois. Par contre on ne saurait hésiter, nous semble-t-il, à reconnaître en Roger l’auteur du grand triptyque : les Sept Sacrements, l’un des chefs-d’œuvre du Musée d’Anvers.

Le titre indique tout de suite qu’il s’agit d’une de ces œuvres synoptiques que Roger van der Weyden affectionna. Le panneau central, l’Eucharistie (Fig. XXVIII), nous introduit dans une claire nef d’église où monte une croix géante portant le Christ. Au premier plan sont groupées les saintes femmes et la Vierge qui s’évanouit dans les bras de saint Jean. Au fond, sans qu’aucune figure remplisse les places intermédiaires, — qu’on se souvienne de nos remarques au sujet du retable de Saint-Jean, — se dresse un autel décoré de charmantes sculptures. Devant l’autel, un prêtre, en riche chasuble, lève l’hostie… Sur les volets, où l’artiste cette fois a fait effort pour disposer les groupes dans la perspective, sont représentés à gauche (Fig. XXIX) : le Baptême, la Confirmation, la Confession, à droite (Fig. XXX) : l’Ordination, le Mariage,

  1. Pour le retable de JEan Aubert et celui de Jean Chevrot, cf. Ducs de Bourgogne, t. I, p. LIX, de Laborde, Paris, 1849. — Alph. Wauters, op. cit. p. 42. — Livre des peintres, H. Hymans, p. 105. — Catalogue descriptif du Musée royal d’Anvers, 1905, p. 324.
  2. Cf. Hymans, Les Musées de Madrid, Gazette des Beaux-Arts, t. X, 3e période.