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JORDAENS.

datées de 1652 — l’année où il perdit sa femme. Il y répète quelques-unes de ses compositions religieuses et Mythologiques, mais avec des hésitations et des faiblesses presque puériles ; certes, il faut tenir compte de son inexpérience du burin ; mais il est patent que le dessinateur surtout sort vaincu de l’épreuve. Qu’on se rappelle au contraire le Saint Martin de Bruxelles, ou le Jésus parmi les Docteurs de Mayence, et l’on conviendra que dans ses tableaux Jordaens sut être un dessinateur vrai et grandiose. C’est que la couleur l’inspirait, était la condition fondamentale de son art. Ce n’est pas assez de proclamer qu’il aima les tons brûlants, les oppositions violentes, et qu’au milieu « d’une galerie où Rubens même étale ses splendeurs, Jordaens est un feu, un volcan, un soleil » (Wiertz). Le grand miracle des œuvres de Rubens se renouvelle en sa peinture ; la couleur traduit le grain et l’extensibilité de la chair ; sous la peau on voit jouer le muscle, se tendre les fibres, affluer le sang ; le modelé renonce à l’effort sculptural et à la vérité de synthèse pour s’attacher à la. nature et fixer les apparences sensibles. Rapproché de Rubens par ses vertus de peintre, Jordaens, je l’ai dit, s’en éloigne par la nature plus subjective de son coloris et de son clair-obscur. Quelques pages qui resteraient éminentes à côté de n’importe quels chefs-d’œuvre — les Quatre Évangélistes du Louvre, Pan et Syrinx, la petite version du Roi boit, au musée de Bruxelles — disent avec quel brio et quelle heureuse audace sa fougue individuelle sut épouser les découvertes des autres maîtres