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partout que figures septentrionales et réalistes et reconnaît en David un buveur de bière !

Sluter certainement a trouvé des modèles juifs autour de lui ; mais il a élargi leurs caractères particuliers jusqu’à la beauté immuable et essentielle. Comme Léonard de Vinci il a mis dans son œuvre « l’âme même de son idéal. » Ses personnages sont humanisés par tel détail de vêtement, tel bonnet, telle bourguignotte, telle aumonière, tel livre guilloché ; mais quelle discrétion dans ces accessoires ! Combien les manteaux, les dalmatiques, les surcots sont simples ! Faut-il marquer l’origine septentrionale du maître, nous la trouverons dans les plis épais accumulés sur les bras et les pieds, dans une manifeste tendance à ramasser la taille des prophètes. Mais veut-on se convaincre que l’artiste s’élève au-dessus de sa race et de son temps, il n’y a qu’à regarder les mains longues, minces, les poignets délicats, l’aspect d’éternité de ces figures, l’infinie poésie de ces anges qui couronnent les prophètes de leur ronde céleste.

Le souvenir de Sluter flotte impérissable, sous la modeste coupole où s’abrite le Puits des Prophètes ; il emplit la Chartreuse délaissée ; il nous accompagne au Portail de la chapelle, dans les jardins mélancoliques et splendides de l’Asile. Son âme partout présente parle une langue universellement comprise et si notre prière devant la Grant Croix du Cloistre n’est plus telle qu’au XVe siècle, personne aujourd’hui ne refuse une religieuse admiration à l’auteur du chef-d’œuvre. Créateur empli d’humanité, génie fastueux et mystérieux comme celui de Rembrandt, Sluter par le miracle de l’art, ramène des milliers de pèlerins vers les images sublimes des prophètes et des anges….