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On a conservé les noms des artistes qui travaillèrent avec Sluter au Portail sans qu’on puisse déterminer leur collaboration. Jean Prindale et Willequin Smont furent les principaux aides du maître ; Jean Midey, Hennequin Vascoquin, Jennin de Honet ne jouèrent semble-t-il qu’un rôle secondaire ; Macelart, Pierre de Liquerque et surtout Pierre Beauneveu, un parent sans doute de maître André, taillèrent les marmousets. Jean de Hulst exécuta les armoiries du duc et de la duchesse sur le socle de la statue de la Vierge. Enfin un maître appelé Jehan de Liège — qu’il ne faut point confondre avec le célèbre tombier de Charles V — sculpta pour cette entrée de l’église une porte sur laquelle on voyait les armes du duc, de la duchesse et de leur fils Jean, comte de Nevers, qui devait devenir Jean sans Peur.

C’est encore dans l’hôtel des imagiers que Sluter conçoit et réalise de 1396 à 1402 les figures sublimes du Puits de Moïse, ou pour mieux dire du Puits des Prophètes ; c’est là encore qu’il s’occupe des moyens d’achever le tombeau de Monseigneur. Et pour compléter la liste des travaux de Sluter dont la mention nous est parvenue ajoutons qu’il exécuta également pour l’église des Chartreux, une Pietà (1390), une Ymaige de Dieu (1393), un Saint Michel (1396) et une Sainte Anne (1399) ; ces trois dernières statues se trouvaient dans la chapelle de Sainte-Anne. La duchesse de Bourgogne commanda à Sluter certains ouvrages pour le château de Germoles, entre autres une Madone. Les élèves qui collaboraient à ces différents travaux étaient flamands et wallons ; on signale toutefois le passage de trois bourguignons dans l’hôtel des imagiers. Au surplus si le maître travaille à certaines époques avec une dizaine d’ouvriers, à d’autres moments il renvoie tous ses aides sauf un ou deux, — et c’est alors qu’il produit le plus.

Le peu que nous savons de son caractère le montre très semblable à Michel-Ange. Travailleur infatigable, il était sombre, méfiant. Il multiplia dans sa maison les gonds, verrous et serrures et fit placer des chaînes de fer aux fenêtres de son ouvroir ; il s’était fait construire une galerie à l’écart où il méditait tout en épiant son personnel. Il était bon d’ailleurs, et assura l’avenir de son neveu Claes Van de Werve qu’il prit à son service et en faveur de qui il renonça dans la suite à ses titres de sculpteur et de valet de chambre du duc. Sa misanthropie, comme celle du peintre de la Sixtine, est peut-être tout simplement l’effet d’un état pathologique. La lettre de