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la main[1], et qui sont ici vêtus de chasubles, de dalmatiques, de chapes, coiffés de tiares et de mitres. Une remarque curieuse à propos de leurs vêtements : en réalité on ne distingue qu’une seule chasuble. La plupart des hauts dignitaires ecclésiastiques, si nombreux dans cette partie centrale, sont vêtus de la chape (capa, pluviale), qui dans l’origine n’était pas un ornement sacerdotal, mais était portée par les chantres, les laïcs et par le clergé dans les processions. La chape était originairement munie d’un capuchon pouvant se rabattre sur la tête en cas de pluie, d’où les expressions capa ou pluviale et le mot pluvial encore usité en France. Le grand nombre de chapes figurant dans le Retable de Gand est caractéristique et logique ; il ne s’agit point ici de la célébration d’un office, mais d’une cérémonie de fête, d’un vaste synode en plein air, où les personnifications vénérées de l’Église viennent s’incliner processionnellement devant l’Agneau.

De l’autre côté, à la suite de sainte Agnès, sainte Dorothée, sainte Barbe paraissent les chastes vierges couronnées de roses, habillées de teintes légères, bleu pâle, gris-rosâtre, mauve tendre, portant presque toutes la palme du martyr. Et il semble que ces théories lointaines qui se détachent comme « des notes d’azur clair ou foncé sur l’austère teinture du bois sacré »[2], ne sortent du bocage que pour s’élever au ciel.

Les rayons du Saint Esprit illuminent le ciel et la terre, et la nature, parée de toutes ses fleurs, — fleurs du sol, fleurs du printemps et fleurs humaines, — chante la puissance du Seigneur. Et par delà les collines qui ferment les bosquets et que gardent quelques ifs et palmiers, une ville surgit toute bleue, plantée sur un second horizon : la Jérusalem céleste avec des clochers, beffrois, pignons, tours, dômes, — formant la plus ingénieuse silhouette qu’il soit possible d’imaginer, toute une architecture ciselée, dentelée, élancée, qui n’est point une architecture de rêve, qui n’est point non plus la reproduction d’édifices existants, mais qui nous offre l’image d’une cité conçue par le cerveau d’un grand artiste et telle qu’aurait pu être une ville au XVe siècle dans nos régions scaldiques et mosanes, avec ses monuments achevés. Songeons à tous les chefs-d’œuvre de l’architecture gothique interrompus par leur constructeur et qui nous ont été transmis sans leur couronnement. Les édifices de l’Adoration ont bien pu trouver leur point de départ dans des constructions réalisées ; mais le peintre en a complété les motifs, il les a munis de pointes, de flèches, de tourelles, de lanternes terminales. La détermination exacte des styles et des

  1. Chap. VII.
  2. Fromentin. Les Maîtres d’Autrefois, p. 426.