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et des tailleurs de pierre. C’est au XIVe siècle que la ville reconstruit son beffroi en partie peint et doré.

Vers le même temps, Ypres décore richement l’extérieur de ses Halles. On « surora » les pennons, les chevaliers et le sagittaire hissés sur le faîtage et les tourelles ; on polychroma la lanterne ; on peignit le beffroi et l’on employa à cette occasion l’or battu, le blanc de plomb, le vermillon, l’ocre, le vert, le vernis, l’huile. À Bruges, ce fut la Maison de ville qui s’éleva au XIVe siècle ; c’est la plus ancienne de nos maisons du peuple ; elle fut recouverte de peintures, de sculptures, de dorures. Elle était ciselée comme une châsse et brillante comme un retable. L’état actuel ne peut nous donner aucune idée de sa grâce ancienne qui fut parachevée au XVe siècle par Jean Van Eyck lui-même. Le célèbre artiste étoffa de couleurs six statues qui décoraient la façade. Je ne cite ici que quelques faits essentiels pour caractériser la vie artistique de nos communes. Remarquons le goût de la polychromie proclamé par les édifices, le goût de l’orfèvrerie affirmé par les inventaires ; ces traits dominants devraient guider la critique dans l’analyse de notre peinture du XVe siècle. Constatons encore que nos vieux maîtres songèrent les premiers à s’associer, à former ces gildes de la Vierge, de saint Luc, de saint Éloi, de saint Jean si étroitement apparentées aux corporations marchandes et ouvrières. Notre activité était toute pratique et réaliste, — et dès qu’elle produisit ses beaux fruits au XVe siècle, elle communiqua à la foi qui régnait dans nos œuvres comme dans nos cœurs un inoubliable accent de conviction et de profondeur.

Mais, au XIVe siècle, nos plus grands maîtres émigraient à Paris ; et, tandis que des énergies nouvelles germaient et fleurissaient dans les villes du Nord, — aussi bien d’ailleurs en Hollande qu’en Belgique — Paris restait le centre vers lequel affluaient les courants nouveaux, qui captait toutes les sources de la beauté septentrionale.

Cela dura jusqu’au commencement du XVe siècle, pendant les cent ans qui marquent la transition de l’ère gothique à l’ère moderne et durant lesquels le nouveau système se précisa. Puis, brusquement, les catastrophes politiques renversèrent l’hégémonie parisienne. Des guerres atroces avaient épuisé le royaume de France. « La savante organisation sociale, l’ingénieuse culture intellectuelle préparée par Charles V, répandue par la librairie du Louvre, l’humanisme naissant, tous les éléments de rénovation disparurent