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cheveux dénoués est posé un diadème constellé de pierres énormes, garni d’une merveilleuse émaillerie florale et stellaire : lys, roses, clochettes, étoiles. « Et combien Marie nous montre un doux visage, dit Lucas de Heere ; il semble que l’on voit ses lèvres prononcer les mots qu’elle lit ! Et quelle perfection dans sa couronne et sa parure ![1] » Une candeur divine enveloppe en effet son visage ; et la joaillerie qui ruisselle sur le Vase immaculé de la grâce divine » ne fait qu’en rehausser la pureté. L’inscription qui l’auréole dit vrai :

« Hec est speciosor sole, et super omnem stellarum disposicionem, luci comparata invenitur prior, candor est enim lucis eternæ, speculum sine macula dei (maiestatis)[2] » — « Celle-ci est plus brillante que le soleil et que toute l’ordonnance des étoiles ; comparée à la lumière, elle se trouve la surpasser, car elle est l’éclat de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté divine. » C’est le texte de la Sapience[3] qui se retrouvera — mais complet cette fois — dans la Vierge Van der Paele. Et sur la tenture blanche d’où se détache la merveilleuse Madone de l’Adoration, d’indéchiffrables signes ornementaux répètent trois fois :

YKUCZUYXV

Saint Jean-Baptiste, au visage âpre et doux encadré d’une chevelure et d’une barbe épaisses, porte un manteau vert bordé d’une joaillerie semblable à celle de la Vierge. Sa droite, en se levant vers Dieu, écarte le vêtement glorieux et laisse apercevoir le cilice, plus glorieux encore. De la main gauche il tourne les feuillets d’un missel et sous le manteau apparaît un pied nu couvert de la poussière du désert. On lit sur les cintres qui entourent son inoubliable visage :

« Hic est Baptista Iohannes, major homine, par angelis, legis summa, evangelii sanctio, apostolorum vox, silentium prophetarum, lucerna mundi. » — « Celui-ci est le Baptiste Jean, plus grand que l’homme, égal aux anges, la somme de la loi, la sanction de l’évangile, la voix des apôtres, le silence des prophètes, la lampe du monde. »

Ces trois grandes figures dominent l’ensemble de leur vie surhumaine,

  1. Livre des Peintres, éd. Hymans, p. 35.
  2. Waagen n’a pas pu lire les mots qui suivent luci jusqu’à speculum et il a faussement interprété luci pour luciscor (Messager, 1824, p. 199). L. de Bast ne s’est trompé que pour le mot candor qu’il a lu capor (ibid. p. 199 note).
  3. Livre de la Sagesse, ch. VII. Depuis le commencement jusqu’après invenitur prior, c’est le verset 29 ; depuis candor jusqu’à la fin, c’est le verset 26.