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disposés en calotte hémisphérique, rasés au dessus de l’oreille suivant la coupe si caractéristique qui prévalut un moment dans la mode bourguignonne. Il y a tout lieu de croire que l’œuvre est de Jean[1].

Enfin le musée de Berlin montre un portrait de Giovanni Arnoulfini où le fameux italien apparaît un peu plus âgé qu’à Londres. Il ne porte plus son vêtement de fête, mais une simple robe plissée comme celle de Timothée. Le visage s’encadre d’un chaperon modeste, « tout fait », avec deux bouts d’étoffe frôlant l’épaule. Ce n’est plus l’Arnoulfini rêveur et contemplatif du tableau nuptial de Londres ; les yeux un peu bridés et malicieux songent encore, mais à quelque jouissance moins haute ; les lèvres se retroussent avec un accent sceptique. Que conclure de ce changement de physionomie ? Giovanni eut-il à se plaindre de sa femme ? Son intérieur fut-il bouleversé ? Les malveillants l’ont supposé d’autant plus volontiers que les époux Arnoulfini ne furent pas enterrés dans le même tombeau, ni dans la même église. Et c’est ainsi que la critique bâtit des tragédies sur le témoignage d’un sourire et d’un regard. Cherchons un commentaire moins désobligeant pour l’épouse de Hernoul le fin. L’ami de Van Eyck était un marchand notoire ; ce rouleau qu’il exhibe est peut-être sa patente. Philippe le Bon l’appela dans ses conseils. Aussi est-ce l’homme arrivé que cette fois maître Jean représente, le spéculateur lucquois occupé de problèmes économiques et que le duc consulte. Plus d’épithalame ; mais regardez ce visage moqueur ; Giovanni est plus que jamais le Fin.

En 1436 Jean Van Eyck peint la plus importante de ses compositions religieuses : La Madone du chanoine Van der Paele, aujourd’hui au musée de Bruges. L’œuvre est signée et datée ; le cadre primitif est couvert d’inscriptions en caractères gothiques.

Les paroles latines, écrites sur le bord supérieur, s’appliquent à la Vierge : « Celle-ci est plus brillante que le soleil et que toute l’ordonnance des étoiles. Comparée à la lumière, elle la surpasse, car elle est l’éclat de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté divine ». Ces paroles sont tirées du livre de la Sagesse, — et chose digne de remarque, c’est le

  1. Également de Hubert ou d’un de ses plus brillants élèves, pour M. Durand-Gréville, art. cit. p. 33.
    Notées par J. Weale. Bruges et ses environs. 4e éd. p. 53.