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Quelles furent ces besognes ? Etaient-ce des travaux artistiques ? Sans preuve aucune Waagen attribuait à Lambert une part de collaboration dans les Chroniques de Jérusalem de Vienne qu’il tenait pour une œuvre de la famille Van Eyck ; l’abbé Carton voyait dans ce frère l’auteur du tableau d’Ypres : le Triptyque du prévôt de Saint-Martin d’Ypres et Waagen, admettant cette opinion, en déduisait que Lambert avait peint dans l’Adoration les deux sibylles et l’un des prophètes[1]. Pures hypothèses qui ne résistent point à l’examen ; la vie de Lambert reste la plus mystérieuse du monde, ce qui n’a point empêché certains archéologues d’en faire hardiment l’un des peintres de l’Adoration.

Les Van Eyck eurent une sœur aussi, on le croit du moins, car l’existence de la célèbre Marguerite Van Eyck affirmée par les vieux chroniqueurs du XVIe siècle n’a pas le moindre petit bout d’archives contemporaines pour se défendre. Lucas de Heere nous dit « qu’elle étonna le monde de ses peintures » qu’elle fut enterrée près de son frère Hubert dans la célèbre église de Saint-Jean, où se trouve l’Adoration de l’Agneau, église qui ne fut consacrée à saint Bavon qu’en 1540. Van Mander ajoute qu’à l’exemple de Minerve, repoussant Hymen et Lucine, Marguerite est demeurée dans le célibat jusqu’à la fin de ses jours. Au XIXe siècle un critique renchérissant encore écrivit « qu’elle voulut demeurer vierge, pour que rien ne troublât son cœur et sa pensée, ne détournât son regard des formes qui lui apparaissaient. » Le même écrivain découvre même dans les ameublements peints par les Van Eyck « une propreté, une coquetterie, une poétique élégance, qui révèlent les soins d’une femme et sont dûs vraisemblablement aux efforts de Marguerite ».[2] On attribua à cette ménagère idéale des manuscrits qui soulevèrent des polémiques passionnées. On reconnut le portrait de Marguerite dans une œuvre de Van Eyck ; on fit naturellement de cette sœur séduisante et intangible l’un des peintres de l’Adoration de l’Agneau. Les trop célèbres faussaires gantois, qui florissaient dans le second quart du XIXe siècle, prouvèrent même par des extraits du registre de la confrérie de Notre-Dame Op de rade, de l’église Saint-Jean devenue Saint-Bavon, qu’elle avait fait partie de la dite confrérie avec son frère Hubert.

  1. Manuel de l’histoire de la Peinture, T. I, pp. 108 et suiv.
  2. Michiels : les Peintres Brugeois p. 6.