depuis la Sainte Chapelle et le double comble de la grand’salle, détruite par l’incendie de 1618, jusqu’au beffroi et aux trois tours qui existent encore sur le quai de l’Horloge. Au premier plan, peut-être dans une de ces petites îles qui, réunies, ont formé le terre-plein du Pont-Neuf et une partie de la place Dauphine, des faucheurs coupent les foins que deux paysannes, nu-pieds et la jupe relevée, mettent en meules, avec des fourches et des râteaux parfaitement semblables à ceux dont on se sert dans nos campagnes. — Octobre est encore plus curieux. Nous assistons aux semailles d’automne : au fond, le Louvre de Charles V, avec sa grosse tour centrale, de laquelle relevaient tous les donjons de la France féodale, le mur crénelé qui longeait la Seine aux rives bordées de saules ; le tout dessiné d’après nature et avec la précision de l’objectif. Au dessus du tableau, de l’autre côté du fleuve, là où s’élèvent maintenant les bâtiments de l’Institut, un paysan monté sur un lourd cheval y ramène la herse sur des sillons que vient d’ensemencer son compagnon et qu’une bande de pies est déjà en train de butiner ; la rustique monture porte ce collier en forme de cœur encore usité pour nos chevaux de trait. Autre détail local : vers le second plan, sur un champ façonné et tout ensemencé, se dresse un épouvantail, simulacre d’archer, fabriqué de vieux habits attachés à un pieu, tandis que des cordeaux munis de bouts de chiffons flottant au vent achèvent de défendre la future récolte contre les rapines des oiseaux. Savoir observer le ciel, la terre, les eaux, s’arrêter aux travaux des champs, en reproduire les scènes familières, les divers épisodes de chaque saison, tout en n’accordant aux figures qu’une importance secondaire, enfin voir juste avant toute notion de perspective et sur la limite du XIVe et du XVe siècle, c’est déjà quelque chose, c’est presque inaugurer sans le savoir un genre nouveau, le paysage ».[1]
C’est à M. Paul Durrieu que nous devons les découvertes les plus sensationnelles et les plus récentes relativement aux origines des Van Eyck.
M. Durrieu a mis en relief l’intérêt du célèbre manuscrit : les Heures de Turin, détruit par les flammes, mais exactement reproduit en l’honneur de M. Léopold Delisle dans une publication luxueuse qui fut offerte à l’illustre bibliographe à l’occasion de sa cinquantième année de collaboration à la Société de l’Histoire de France et de l’École des Chartes. Ces
- ↑ Lechevallier-Chevignard. Les Styles Français pages 124 et 125.