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tiendront un heaume ou bacinet atout son timbre, ung lion aux pieds, laquelle représentacion sera armée, ou en habit royal, selon qu’il jugera suivant son agrément le plus convenable, accompagné de quarante ymages plourants, semblables aux deux qui sont déjà faites,… » Or le grand imagier mourut quelques mois après avoir conclu cette convention où en réalité il ne s’engageait que de nom, son neveu assumant de fait toute la responsabilité du contrat. Il ressort donc de ce contrat et de la date de la mort de Sluter que les parties les plus importantes du célèbre cénotaphe : les statues, les anges, les plourants sont l’œuvre de Claes Van de Werve qui acheva le monument en 1411.

L’art du neveu est une suite glorieuse des conquêtes de l’oncle.

L’image étendue de Philippe est un chef-d’œuvre de calme puissant et auguste. Sur ses chaussures de fer retombent les plis tranquilles d’une robe blanche ornée d’un vol d’abeilles dorées ; sur la dalle noire le manteau ducal tranche avec ses teintes d’azur. La tête émerge d’un collet à triple frange d’or et repose sur un coussin, mi-parti rouge et bleu. Elle reste vivante dans son calme éternel mais le sculpteur, par une admirable intelligence de son sujet a effacé du masque cette ivresse de l’action qui éclate dans le Philippe le Hardi du Portail. Les anges portant le heaume sont les frères des séraphins douloureux que l’artiste sculpta avec son oncle pour le Puits des Prophètes. Sur les cinquante-deux angelots placés à l’extérieur des galeries d’albâtre, quarante sont de la main de Van de Werve. Enfin la part la plus glorieuse de son œuvre c’est la série de plourants qui animent de leurs formes blanches le jour atténué de la galerie.

Leur disposition primitive n’a point été respectée. Un peintre du XVIIIe siècle, Gilquin, a dessiné les tombeaux tels qu’ils étaient avant la révolution. Il apparaît clairement que les figurines des galeries représentaient dans un ordre déterminé le cortège funèbre du duc. L’aspergeant avec son bénitier, le porte-croix, les porteurs de cierge, l’évêque avec sa crosse venaient en tête, suivis de la foule des plourants et « portans deuil », évoquant l’image fidèle des obsèques ducales qui s’étaient célébrées en grand apparat. Brisé en 1793, le tombeau fut plusieurs fois restauré. Cinq ou six plourants sont restés intacts ; les autres sont reconstitués avec plus ou moins de bonheur. L’arrangement actuel est tout conjectural.

Il ne diminue point le pathétique des figurines.

On voit revivre les religieux de Champmol pleurant leur prince et