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conviendra que quand la jalousie du sexe n’éclate point avec sa violence naturelle, on peut soupçonner que cette terrible passion agit en secret, et mine sourdement ce qu’elle n’ose attaquer à découvert.

Lady Bellaston nous en fournit une preuve. Sous les dehors de la bienveillance, elle cachoit une haine profonde pour Sophie. Voyant que la présence de cette jeune personne étoit un obstacle à l’entier accomplissement de ses désirs, elle résolut de l’éloigner d’elle à tout prix, et la fortune lui en offrit bientôt le moyen.

On se rappelle que le soir où Sophie quitta le spectacle, effrayée par les sifflets et par les cris d’une cabale turbulente, elle réclama la protection d’un jeune seigneur, et parvint sous ses auspices à regagner sa chaise.

Ce seigneur, qui alloit souvent chez lady Bellaston, y avoit vu Sophie plus d’une fois depuis son arrivée à Londres, et avoit pris pour elle un goût très-vif ; or comme la beauté ne paroît jamais plus touchante, que dans une vive angoisse, l’effroi de Sophie changea son goût en une véritable passion.

On croira aisément qu’obligé par la simple politesse de rendre une visite à celle qui l’avoit charmé, il ne laissa pas échapper une occasion si favorable de lui faire sa cour.