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une altération frappante se manifesta sur toutes les physionomies. La gaîté qui les animoit d’abord fit place à une expression de tristesse. Ainsi, dans notre climat inconstant, on voit souvent un ciel serein s’obscurcir tout-à-coup, et se couvrir, en plein été, des mêmes brouillards qu’en automne.

Personne cependant ne fut frappé de ce changement ; chacun étoit trop occupé à cacher ses pensées et à jouer son rôle, pour observer ce qui se passoit sous ses yeux. L’oncle et le neveu ne s’aperçurent d’aucun trouble dans la mère ou dans la fille, et la mère et la fille ne remarquèrent pas non plus la politesse affectée du vieillard, et le faux air de satisfaction du jeune homme.

C’est ce qui arrive fréquemment, quand deux amis mettent en œuvre toutes les facultés de leur esprit, pour se tromper mutuellement. Ni l’un ni l’autre ne voit ni ne soupçonne les ruses de son adversaire ; et pour nous servir d’une métaphore convenable à la circonstance, tous les coups qu’ils se portent sont autant de coups fourrés.

Par la même raison il n’est pas rare que deux personnes fassent à la fois un marché de dupes, quoique dans une proportion différente. Nous en citerons pour preuve cet homme qui vendit un cheval aveugle, et reçut en paiement un faux billet.