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Jacques, les cœurs des femmes ne se brisent pas si aisément. Ils sont durs, mon garçon, ils sont durs.

— Mais, monsieur, elle a toute ma tendresse ; nulle autre femme ne pourroit me rendre heureux. Combien de fois vous ai-je entendu dire qu’on devoit laisser les enfants libres dans leur choix, et que vous ne contrarieriez jamais l’inclination de ma cousine Henriette ?

— C’est vrai, tel est mon sentiment ; mais à condition que les enfants feront un choix raisonnable. En un mot, Jacques, il faut que vous renonciez à cette fille, et vous y renoncerez.

— Mon oncle, il faut que je l’épouse, et je l’épouserai.

— Vous l’épouserez, jeune homme ? je n’attendois pas de vous une pareille réponse. Si vous parliez de ce ton à votre père, je n’en serois point surpris : il vous a toujours traité rudement et en vrai despote. Mais moi qui ai vécu avec vous en ami, je devois compter sur plus d’égards. Au reste, votre conduite n’a rien qui m’étonne. Tout le mal vient de votre éducation à laquelle j’ai eu trop peu de part. Voyez ma fille ; je l’ai élevée avec douceur ; elle ne fait rien sans me demander mon avis, et ne refuse jamais de le suivre.

— Vous ne lui en avez pas encore donné dans une affaire de cette nature ; car je me trompe fort,