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de vouloir choisir pour leurs enfants, en pareille circonstance. L’affection ne se commande point. L’amour est si ennemi de la contrainte, que par une perversité malheureuse mais incurable de la nature humaine, il souffre même avec impatience le langage de la persuasion.

« Cependant, si la raison défend à un père de commander en maître absolu, elle exige qu’il soit consulté, peut-être même, à la rigueur, qu’il ait une voix négative. Ainsi mon neveu, je l’avoue, a fait une faute en se mariant sans vous demander votre agrément ; mais, mon frère, soyez juste, n’êtes-vous pas un peu l’auteur de sa faute ? Ne lui avez-vous pas donné, par une fréquente manifestation de vos sentiments, la certitude morale d’un refus, en cas d’insuffisance de fortune ? et votre colère en ce moment a-t-elle une autre cause ? Si votre fils a manqué à son devoir, n’avez-vous pas excédé de beaucoup votre autorité en concluant pour lui, à son insu, un mariage avec une femme que vous n’aviez jamais vue, et que vous n’auriez pu, sans folie, songer à introduire dans votre famille, si vous l’aviez vue et connue aussi bien que moi ?

« Encore une fois, mon neveu a tort, mais son tort est-il impardonnable ? On ne peut nier qu’il n’ait agi sans votre consentement dans une affaire où il devoit le demander ; mais c’est une