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nion devoit faire le malheur de son neveu ; car il ne prévoyoit pas d’autre résultat d’une union avec miss Harris, héritière, il est vrai, de grands biens, mais incapable, par sa figure et par son caractère, de rendre un mari heureux. C’étoit une grande fille, maigre, laide, maniérée, sotte et méchante. En conséquence, au premier mot proféré par M. Nightingale du mariage de son fils avec miss Miller, le campagnard en témoigna la plus vive satisfaction ; et après avoir laissé le père exhaler sa colère contre le jeune homme en amères invectives et en menaces d’exhérédation : « Mon frère, lui dit-il, si vous étiez un peu plus calme, je vous ferois une question. Aimez-vous votre fils pour lui, ou pour vous ? Votre réponse, je pense, ne sauroit être douteuse. Vous cherchiez certainement son bonheur, dans le mariage que vous aviez projeté.

« Eh bien, mon frère, j’ai toujours regardé comme une absurdité, de prescrire aux autres des règles de bonheur, et comme une tyrannie de les obliger à s’y conformer. C’est une erreur commune, je le sais, mais ce n’en est pas moins une erreur. Ce despotisme, insensé dans d’autres cas, paraît surtout révoltant en fait de mariage, où le bonheur dépend entièrement de l’affection réciproque des deux parties.

« Les parents ont donc grand tort, à mon gré,