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les liens du sang, étoient en quelque sorte l’opposé l’un de l’autre, par le caractère. Le frère qui venoit d’arriver avoit aussi suivi la carrière du commerce ; mais à peine avoit-il été en possession de six mille livres sterling, qu’il en avoit employé la plus grande partie à l’acquisition d’une petite terre, et s’étoit retiré à la campagne. Il y avoit épousé la fille d’un ministre sans bénéfice, jeune personne dépourvue de fortune et de beauté, mais douée d’une agréable humeur qui avoit déterminé son choix.

Il menoit depuis vingt-cinq ans avec cette femme une vie plus conforme à la peinture que les poëtes nous font de l’âge d’or, qu’aux mœurs du siècle présent. Il en avoit eu quatre enfants, dont trois étoient morts en bas âge. Il ne lui restoit qu’une fille que sa femme et lui avoient, comme on dit, gâtée de leur mieux, c’est-à-dire, élevée avec une extrême indulgence. Cette fille répondoit si bien à leur tendresse que, pour ne point se séparer d’eux, elle venoit de refuser un gentilhomme d’environ quarante ans, qui lui offroit plus de fortune qu’elle n’en pouvoit espérer.

L’héritière choisie par M. Nightingale étoit proche voisine de son frère, et très-connue de sa nièce. Le vieux campagnard s’étoit rendu à Londres avec le dessein, non de seconder, mais de rompre un projet de mariage qui, dans son opi-