Tel fut l’incident que nous allons raconter. Jones se présenta chez M. Nightingale dans la conjoncture la plus critique. La fortune, quand elle eût mérité le culte dont on l’honoroit à Rome, n’auroit pu en imaginer une autre aussi fâcheuse. Le vieux gentilhomme et le père de la jeune personne promise à son fils, avoient eu ensemble une longue et vive contestation sur les articles du contrat de mariage. Après avoir épuisé les arguments, chacun en faveur de son opinion, ils venoient de se séparer, convaincus tous deux, comme il arrive d’ordinaire en pareille circonstance, qu’ils avoient complètement raison.
Le personnage auquel M. Jones s’adressoit, étoit ce qu’on appelle un homme du monde, c’est-à-dire un de ces hommes qui vivent ici-bas avec l’intime persuasion qu’il n’y a point d’autre monde, et par conséquent avec la ferme résolution de tirer de celui-ci le meilleur parti possible. Il s’étoit livré, dans sa jeunesse, au négoce. Ayant acquis une honnête fortune, il avoit depuis peu quitté les affaires, ou à parler plus exactement, le commerce de marchandises, pour le commerce d’argent. Son coffre-fort étoit toujours bien garni d’espèces ; personne n’entendoit mieux que lui l’art de les placer avec avantage, et de mettre à profit tantôt les besoins des particuliers, tantôt ceux de l’état. Enfin il avoit fait de l’argent