tendresse vous a sacrifié ce qu’elle avoit de plus cher au monde ? L’honneur n’est-il pas révolté d’une pareille barbarie ?
— Vous parlez, mon ami, le langage de la raison ; mais vous savez qu’il n’est pas conforme à l’opinion commune. Si j’épousois une fille déshonorée, même par moi, je n’oserois plus me montrer nulle part.
— Ah ! M. Nightingale, ne traitez pas Nancy avec cette indignité. Lorsque vous lui avez promis de l’épouser, elle est devenue votre femme : elle a moins manqué de vertu que de prudence. Et quels sont ceux devant qui vous rougiriez de vous montrer ? des misérables, des insensés, des libertins. Excusez ma franchise, votre scrupule part d’une fausse honte qui accompagne toujours le faux honneur, comme son ombre. Croyez-moi, il n’y a pas un honnête homme, pas un homme raisonnable qui ne vous loue d’une généreuse résolution, qui n’y applaudisse. Mais quand le monde vous refuseroit son approbation, n’auriez-vous pas, mon ami, celle de votre conscience ? Et le sentiment d’un acte de bonté, de vertu, de bienfaisance, ne cause-t-il pas de plus vives, de plus délicieuses jouissances que des millions de suffrages qu’on n’a point mérités ? Pesez avec équité l’alternative où vous êtes placé. Voyez d’un côté votre infortunée et trop sensible amante, prête