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et par des marques formelles de mécontentement. En vain l’écuyer prétendit qu’il avoit le droit de parler à sa fille comme bon lui sembloit. Personne ne se rangeant à son avis, il fut obligé de se taire.

Malgré cette petite contrariété, il fut si charmé de la bonne humeur des convives, qu’il voulut absolument les réunir chez lui le lendemain. Ils s’y rendirent tous, et l’aimable Sophie qui avoit acquis dans l’intervalle le titre d’épouse, remplit le rôle de maîtresse des cérémonies, ou, comme on dit, fit les honneurs de la table. Elle avoit donné le matin sa main à Jones dans la chapelle des Doctors commons, sans autres témoins que M. Allworthy, M. Western, et mistress Miller. Aucune des personnes invitées à dîner chez l’écuyer n’étoit instruite de son mariage. Elle avoit instamment prié son père, ainsi que mistress Miller, de n’en point parler, et Jones s’étoit chargé de faire la même recommandation à M. Allworthy. Grace à ces précautions, la modeste Sophie s’effraya moins de la nombreuse réunion à laquelle elle étoit obligée de se trouver, par complaisance pour son père. Dans la persuasion que le secret de son mariage n’avoit pas transpiré, elle passa tranquillement la journée jusqu’au moment où l’écuyer qui achevoit de vider sa seconde bouteille, ne pouvant plus contenir sa