M. Allworthy et de sa compagnie vint mettre le comble à la satisfaction de mistress Miller. Dès qu’elle aperçut Sophie, elle devina tout ce qui s’étoit passé, et son amitié pour Jones redoubla les transports de joie que lui causoit déjà le bonheur de sa fille.
Nous ne croyons pas qu’on ait vu beaucoup d’exemples d’une réunion de gens aussi heureux. Le père de Nightingale étoit le seul qui ne le fût pas tout-à-fait. Malgré l’autorité et les raisons de M. Allworthy, malgré son affection pour son fils, il ne pouvoit se tenir entièrement content du choix que le jeune homme avoit fait. Peut-être la présence de Sophie contribuoit-elle un peu à augmenter sa peine. De temps en temps il lui venoit à l’esprit que son fils auroit pu épouser cette jeune personne, ou quelque autre d’un égal mérite. Au reste, ce qui excitoit ses regrets n’étoit pas la figure enchanteresse de miss Western, ni la bonté de son naturel, mais le coffre-fort de l’écuyer. Voilà l’espèce de charmes qu’il ne pardonnoit point à son fils d’avoir sacrifiés à la fille de mistress Miller.
Les deux cousines étoient fort jolies ; mais Sophie les éclipsoit tellement, que si le ciel ne les eût douées l’une et l’autre du meilleur caractère, l’éclat de sa beauté auroit pu faire naître dans leur cœur un sentiment de jalousie ; car, pen-