sur quoi l’écuyer lui répondit à l’oreille, mais de manière à être entendu de tous ceux qui étoient présents : « Tant mieux pour Jones ; car Dieu me damne, si ce friand morceau n’est pas pour lui ! » Sophie devint toute rouge à ces mots : Tom pâlit, et une vive émotion se manifesta sur son visage.
Dès qu’on eut ôté la table à thé, Western emmena M. Allworthy hors de la chambre, sous prétexte de l’entretenir d’une affaire importante qu’il craignoit d’oublier.
Jones et Sophie restèrent seuls. Ces deux amants qui avoient tant de choses à se dire, quand ils ne pouvoient se parler ni se voir sans obstacles et sans danger, qui brûloient de voler dans les bras l’un de l’autre, lorsque tant de barrières s’élevoient entre eux, maintenant que rien ne gênoit la liberté de leur entretien, demeurèrent pendant quelque temps immobiles et muets : en sorte qu’un spectateur peu clairvoyant auroit pu croire qu’ils ne ressentoient qu’une indifférence mutuelle. La chose se passa ainsi, quelque étrange qu’elle paroisse. Tous deux assis et les yeux baissés vers la terre, gardèrent plusieurs minutes, un profond silence.
En vain durant cet intervalle, Jones essaya une ou deux fois de parler ; il ne put que balbutier quelques mots. À la fin Sophie par pitié pour lui,