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quelle tant d’autres m’en ont imposé, n’a jamais été un de vos défauts. Je suis persuadé maintenant que vous aimez sincèrement la vertu ; mais vous voyez, Jones, à quels périls l’imprudence seule peut l’exposer. Notre propre intérêt nous fait un devoir de la prudence. Si nous sommes assez ennemis de nous-mêmes pour y manquer, faut-il s’étonner que le monde manque aussi à ce qu’il nous doit ? Lorsqu’un homme jette les fondements de sa ruine, il est à craindre que les autres n’en profitent pour élever dessus l’édifice de leur fortune. Vous avez, dites-vous, reconnu vos erreurs et résolu de vous en corriger. Je vous crois, mon cher enfant : ainsi donc, à dater de ce jour, je ne vous en parlerai plus. Ayez soin seulement de vous les rappeler, afin d’être plus circonspect à l’avenir. Songez encore pour votre consolation, qu’il y a une grande différence entre les fautes nées de l’imprudence et de la légèreté, et celles qui proviennent de la bassesse de l’ame. On voit quelquefois les premières conduire un jeune téméraire à sa perte, mais s’il se réforme, il peut rétablir sa réputation, ramener à la longue l’opinion publique sur son compte, et envisager même avec une sorte de plaisir les dangers auxquels il a échappé. Quant à la bassesse d’ame, mon enfant, dès qu’elle est connue, elle flétrit sans retour. Le temps ne sauroit effacer les taches