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tion. C’est pour éviter la violence dont j’étois menacée que j’ai fui la maison paternelle et cherché ailleurs un asile. Voilà l’exacte vérité. Si le monde ou mon père me prêtent une autre intention, ma conscience les dément et me justifie.

— Je vous écoute avec enchantement, miss Western ; j’admire la justesse de vos sentiments ; mais sans doute votre cœur ne s’ouvre pas ici tout entier. Je crains de vous blesser, mademoiselle : dois-je cependant regarder comme un songe tout ce que j’ai ouï-dire, tout ce que j’ai vu jusqu’à présent ? Avez-vous souffert tant de persécutions de la part de votre père, pour un homme qui ne vous inspiroit que de l’indifférence ?

— De grace, monsieur, ne me pressez pas de vous expliquer les motifs de ma résolution… Oui, j’ai beaucoup souffert, je ne vous le cacherai pas, monsieur Allworthy. Je vais vous parler avec sincérité. J’avois, j’en conviens, une haute opinion de M. Jones… Je crois… je sais que ma prévention en sa faveur m’a coûté bien des peines. J’ai été cruellement traitée par ma tante, aussi bien que par mon père ; mais c’est un mal passé… Ne me pressez pas, je vous prie, davantage. Quelque opinion que j’aie eue de M. Jones, mon parti est pris sans retour. Votre neveu, monsieur, a beaucoup de mérite, il a de grandes, de nobles qualités ; je ne doute pas qu’il ne vous