vous ait causé bien du chagrin ; je crains aussi d’avoir, contre mon intention, contribué à vos peines. Si j’avois su d’abord votre répugnance pour la proposition qui vous étoit faite, je n’aurois pas souffert qu’on vous persécutât si long-temps. Croyez donc, mademoiselle, que je viens chez vous dans le dessein, non de vous importuner par de nouvelles sollicitations, mais de vous en préserver à l’avenir.
— Monsieur, répondit Sophie avec une légère et modeste hésitation, je ne pouvois attendre que de vous un procédé si noble et si obligeant. Puisqu’il vous plaît de faire mention de cette malheureuse affaire, vous me pardonnerez de vous dire qu’elle a été effectivement pour moi la source d’une grande affliction, et l’occasion de cruels traitements de la part d’un père qui m’avoit comblée jusque-là des plus vifs témoignages de tendresse. Je suis persuadée, monsieur, que vous êtes trop bon, trop généreux pour me savoir mauvais gré d’avoir refusé votre neveu. Nos inclinations ne dépendent pas de nous ; quel que soit le mérite de M. Blifil, je ne puis contraindre la mienne en sa faveur.
— Charmante Sophie, Blifil fût-il mon propre fils, eussé-je pour lui la plus haute estime, je ne m’offenserois point de votre refus. On ne peut, comme vous l’observez avec raison, contraindre