Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/383

Cette page a été validée par deux contributeurs.

suivant son expression ; mais elle affectoit souvent de se plaindre de mon peu d’intelligence et d’adresse. Ces propos désobligeants et beaucoup d’autres semblables qu’elle tenoit sur mon compte, avoient pour but de prévenir les soupçons que mistress Wilkins pourroit concevoir par la suite, quand je viendrois à m’avouer la mère de l’enfant. Miss Bridget se persuadoit qu’on ne croiroit jamais qu’elle eût été assez imprudente pour maltraiter une jeune fille à qui elle auroit confié un pareil secret. Vous pouvez bien penser, monsieur, que j’étois amplement payée de ces mortifications. Je les souffrois avec d’autant plus de patience, que j’en connaissois la cause. Dans le fait, personne n’inspiroit plus d’inquiétude à la pauvre demoiselle que mistress Wilkins : non qu’elle eût pour cette femme aucune aversion ; mais elle la jugeoit incapable de taire un secret, surtout à vous, monsieur. J’ai souvent ouï-dire à miss Bridget qu’elle pensoit que mistress Wilkins, s’il lui arrivoit de commettre un meurtre, n’hésiteroit pas à vous en instruire. À l’approche de la crise fatale, on éloigna l’indiscrète gouvernante. Son départ étoit arrêté depuis une semaine ; mais on le retardoit de jour en jour, sous différents prétextes, de peur qu’elle ne revînt trop tôt. Ma mère et moi nous fûmes les seuls témoins de la naissance de l’enfant. Ma mère