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accident bien malheureux qui m’arriva. J’avois un cochon. Ma mauvaise fortune voulut que ce cochon s’échappât un jour, et fît un léger dégât dans le jardin d’un de mes voisins, homme orgueilleux et vindicatif qui avoit pour procureur un fieffé fripon nommé… Ma foi, son nom est sorti de ma mémoire ; il me fit assigner. Quand je comparus devant le juge de paix, combien ne fus-je pas étonné d’entendre débiter sur mon compte mille odieux mensonges. Quelqu’un affirma que j’avois coutume de mener paître mes cochons dans les jardins d’autrui ; il m’imputa mille torts imaginaires ; il dit qu’il espéroit que j’avois enfin conduit mes cochons à un bon marché[1]. N’auroit-on pas cru que moi, qui ne possédois qu’un pauvre petit pourceau, j’étois le plus gros marchand de cochons d’Angleterre ?

— Fort bien, mais abrégez, je vous prie. Vous ne m’avez pas encore dit un mot de votre fils.

— Ho ! il s’écoula bien des années avant que je visse mon fils, comme il vous plaît de l’appeler. Après cette aventure, je m’embarquai pour l’Irlande ; j’établis une école à Cork ; un nouveau procès me ruina, et je demeurai sept ans en prison.

  1. Proverbe anglois, qui signifie être pris au piége. L’application en est d’autant plus plaisante, qu’il s’agit réellement ici de cochons.Trad.