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mençoient à m’inquiéter. J’en avois une surtout, bien fâcheuse. Un procureur l’avoit fait monter, par des frais de procédure, de quinze schellings à près de trente livres sterling[1]. Me voyant privé de tous moyens de subsistance, je fis un paquet du peu d’effets que je possédois, et je m’en allai.

« Je me rendis d’abord à Salisbury, où j’entrai au service d’un avocat, un des meilleurs hommes que j’aie connus. Il n’étoit pas seulement facile et bon pour moi ; je pourrois citer de lui mille traits de vertu et de bienfaisance dont je fus témoin, pendant que je demeurai dans sa maison. Je le vis souvent refuser des causes, parce qu’il les jugeoit contraires à la justice et à l’humanité.

— Épargnez-vous, mon ami, des détails superflus. Je connois cet avocat ; c’est un homme respectable, qui fait honneur à sa profession.

— Il suffit, monsieur. En le quittant, j’allai à Lymington où le hasard me plaça chez un autre avocat qui étoit encore un homme d’une bonté rare et de l’humeur la plus joviale. Je restai chez lui environ trois ans. Au bout de ce temps, j’établis une petite école qui auroit prospéré, sans un

  1. Pareille chose arriva à un honnête ecclésiastique du comté de Dorset, par la friponnerie d’un procureur qui, non content des frais exorbitants qu’une première procédure avoient coûtés au pauvre homme, l’engagea dans une seconde plus onéreuse encore ; c’est une méthode qu’emploient souvent les gens de chicane, pour s’enrichir des dépouilles du plaideur, au mépris des lois, de la religion, et de l’humanité.