Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/365

Cette page a été validée par deux contributeurs.

involontaire contre l’accusé. Telle fut celle qui se manifesta sur la physionomie de Blifil à la question imprévue que lui adressa son oncle : de façon qu’on ne sauroit guère blâmer la vivacité de mistress Miller, qui s’écria au même instant : « Coupable, sur mon honneur ! coupable, sur mon ame ! »

M. Allworthy lui fit une sévère réprimande de son emportement ; puis, se tournant vers Blifil qui sembloit atterré : « Monsieur, lui dit-il, pourquoi hésitez-vous à me répondre ? C’est vous, je n’en puis douter, qui avez envoyé M. Dowling à Aldersgate. Il n’y auroit pas été, je le suppose, de son propre mouvement, et surtout sans m’en prévenir.

— J’ai eu tort, monsieur, j’en conviens, répondit Blifil ; ne puis-je pourtant espérer que vous me pardonnerez ?

— Vous pardonner ! reprit M. Allworthy avec l’accent de la colère.

— Oui, monsieur, je savois que vous auriez sujet de vous plaindre de moi ; mais mon cher oncle voudra bien me pardonner une action inspirée par la plus excusable des foiblesses humaines. La pitié mal placée est, je l’avoue, une erreur blâmable ; cependant c’est une erreur dont vous n’êtes pas vous-même tout-à-fait exempt. Je m’en suis rendu coupable plus d’une fois en