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et ne reste pas seule avec lui dans sa chambre quatre heures de suite, à moins qu’elle ne soit en effet sa très-proche parente. D’ailleurs, monsieur, ses porteurs font assez connoître par leurs discours qui elle est. Ils n’ont cessé toute la soirée de s’égayer à ses dépens, dans le vestibule. Ils ont demandé à M. Partridge, de manière à être entendus de ma servante, si madame avoit le projet de passer toute la nuit avec son maître, et se sont permis beaucoup d’autres plaisanteries grossières qu’il ne seroit pas convenable de répéter. J’ai réellement pour vous, M. Jones, beaucoup de considération ; je vous dois de plus une reconnoissance infinie pour votre conduite envers mon cousin. Ce n’est que depuis peu que je sais jusqu’où vous avez poussé la générosité à son égard. J’étois loin de soupçonner à quelle funeste résolution la misère avoit porté ce malheureux. J’étois loin de penser, lorsque vous me remîtes pour lui dix guinées, que vous les donniez à un voleur de grand chemin. Ô ciel ! Quelle noblesse d’ame vous avez montrée ! Avec quelle humanité vous avez sauvé cette famille infortunée !… M. Allworthy ne m’a pas trompée dans le bien qu’il m’a dit de vous… Et d’ailleurs, quand je ne vous devrois rien, je lui ai de si grandes obligations, qu’à cause de lui je me sentirois disposée à vous traiter avec toutes sortes d’égards…