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— En vérité, mademoiselle, vous devriez rougir d’un tel aveu : mais où est cette lettre ? je veux la voir, montrez-la-moi. »

Sophie hésita quelques moments, et s’excusa enfin d’obéir à cet ordre, en disant qu’elle n’avoit pas la lettre sur elle : ce qui étoit la vérité. Mistress Western perdant toute patience, demanda sèchement si elle consentoit, ou non à épouser le lord Fellamar ? Un refus positif fut sa réponse. « En ce cas, s’écria mistress Western, je jure que dès demain matin je vous remets entre les mains de votre père. »

Sophie essaya de calmer le courroux de sa tante par des représentations respectueuses. « Madame, lui dit-elle, pourquoi faut-il que je sois forcée de me marier ? Songez combien une pareille contrainte vous auroit paru rigoureuse à vous-même. Vos parents n’en ont-ils pas agi plus humainement avec vous, en vous laissant votre liberté ? Qu’ai-je fait pour être privée de la mienne ? Je ne me marierai jamais contre la volonté de mon père, ni contre la vôtre ; et s’il m’arrive de vous demander à tous deux votre consentement pour un mariage indigne de moi, ne sera-t-il pas assez temps de m’obliger à en contracter un autre ?

— Puis-je supporter ce langage, reprit mistress Western, de la part d’une fille qui a dans sa poche la lettre d’un assassin ?