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Ce sont là les charmes qui ont séduit mes parents ; mais ils n’ont aucun empire sur moi. Si vous avez, milord, le désir de mériter ma reconnoissance, il n’en est qu’un moyen.

— Votre reconnoissance, ô céleste créature ! ne proférez pas ce mot. Je ne puis rien faire pour vous que vous ne méritiez, rien qui ne me cause trop de plaisir, pour laisser une place à votre reconnoissance.

— Je le répète, milord, vous pouvez mériter, non-seulement ma reconnoissance, mais mon estime, mais tous mes vœux pour votre bonheur ; vous le pouvez, même sans peine : un cœur généreux n’en doit éprouver aucune à exaucer ma prière. Souffrez donc que je vous conjure de renoncer à une poursuite dont le succès est impossible. Je vous demande cette grace autant pour vous que pour moi ; la noblesse de votre caractère ne vous permet pas, sans doute, de prendre plaisir à tourmenter une infortunée. Quel fruit d’ailleurs attendez-vous d’une persévérance qui, sur mon honneur, sur le salut de mon ame, ne peut rien obtenir, et n’obtiendra jamais rien de moi, dans quelque abîme de maux que vous parveniez à me plonger ? »

Ici milord poussa un profond soupir. « Eh quoi ! mademoiselle, suis-je donc assez malheureux pour vous inspirer tant de haine et de mépris ?