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Le tendre attachement d’un ami répand dans une ame affligée un baume si délicieux, que le chagrin dont elle est pénétrée, pour peu que le terme en soit borné et l’adoucissement possible, se trouve en quelque sorte compensé par le charme de la consolation. Les exemples d’une constante amitié ne sont pas aussi rares que l’ont prétendu des observateurs inexacts et superficiels. On ne doit pas compter le manque de pitié parmi nos défauts les plus communs. L’envie est le noir poison qui souille et corrompt nos cœurs. C’est par sa funeste impulsion que nous levons rarement les yeux sans une secrète malignité, sur ceux qui sont plus grands, meilleurs, plus sages, ou plus heureux que nous, tandis que nous les abaissons d’ordinaire avec assez de bienveillance et de compassion sur les indigents et sur les infortunés. La plupart des torts que nous avons eu lieu d’observer dans le commerce de l’amitié ne venoient que de l’envie, passion infernale dont peu de personnes nous ont paru entièrement exemptes. Mais quittons ce sujet qui nous mèneroit trop loin, si nous voulions l’approfondir.

Soit que la fortune craignît de laisser succomber Jones sous le poids de l’adversité et de perdre ainsi l’occasion de le persécuter à l’avenir, soit qu’elle se relâchât réellement de sa rigueur envers lui, elle sembla s’adoucir un peu en lui envoyant