Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bonne opinion de moi pour me croire capable d’un mensonge. Sur mon ame, je n’ai dit que la vérité.

— Je lui aurois percé le cœur, si j’avois été présente… Je ne saurois croire pourtant qu’il eût des vues malhonnêtes ; non, cela ne se peut. Je n’en veux pour preuve que ses propositions qui sont à la fois honorables et généreuses. Je ne sais ; le siècle où nous vivons autorise d’étranges privautés. Un salut respectueux est tout ce qu’on auroit permis autrefois, avant la cérémonie nuptiale. J’ai eu des amants, et il n’y a pas encore si long-temps ; j’en ai eu plusieurs, quoique je fusse décidée à ne point me marier, et fort éloignée d’encourager la moindre liberté. C’est un bien sot usage que celui qui règne aujourd’hui : rien ne me détermineroit à m’y soumettre. Jamais homme ne m’a baisée que sur la joue. Un baiser sur les lèvres est une faveur réservée à un mari ; et si j’avois pu me résoudre à en prendre un, il me semble que j’aurois eu bien de la peine à souffrir de lui une pareille licence.

— Permettez-moi une observation, ma chère tante. Vous convenez que vous avez eu plusieurs amants ; et vous le nieriez en vain : personne ne l’ignore. Vous les avez tous refusés. Cependant je suis convaincue qu’il y avoit dans le nombre au moins un homme titré.