Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.

première occasion de la laisser seule avec lui.

« En ce cas, madame, répondit Sophie d’un ton un peu vif, je saisirai la première occasion de le laisser seul avec lui-même.

— Comment ! mademoiselle, est-ce ainsi que vous reconnoissez la bonté que j’ai eue de vous tirer de la captivité où vous tenoit votre père ?

— Cette captivité provenoit, vous le savez, madame, du refus d’accepter pour époux un homme que je détestois. Ma chère tante ne m’a-t-elle sauvée d’un malheur que pour me plonger dans un autre aussi cruel ?

— Croyez-vous donc, mademoiselle, qu’il n’y ait aucune différence entre lord Fellamar et Blifil ?

— Il y en a fort peu, à mon gré, madame ; et si j’étais condamnée à épouser l’un des deux, je voudrois du moins avoir le mérite de me sacrifier aux désirs de mon père.

— Les miens, à ce que je vois, ne vous touchent guère ; mais cette considération ne m’arrêtera point. J’agis par de plus nobles motifs. Agrandir ma famille, vous ennoblir vous-même, voilà mon but. Êtes-vous dépourvue de toute ambition ? L’idée de voir votre carrosse orné d’une couronne, n’a-t-elle point de charme pour vous ?

— Aucun, sur mon honneur. J’aimerois autant y voir une pelote pour écusson.