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que l’imprudente biche. Toute la ville s’émeut à son aspect ; on la suit des promenades à la comédie, de la cour aux assemblées, des assemblées à sa demeure, et elle évite rarement pendant une saison entière tous les piéges qui lui sont tendus. Car si ses amis la défendent contre l’ardeur d’un importun soupirant, c’est dans l’unique dessein de la livrer à un amant de leur choix qui lui déplaît souvent encore davantage. Cependant la foule des autres femmes se montre impunément, sans presque obtenir un regard, dans les jardins publics, à la comédie, à l’opéra, aux assemblées ; et quoique la plupart finissent par subir le joug, elles goûtent long-temps en paix les douceurs de l’indépendance.

Jamais beauté ne fut plus en butte que Sophie aux persécutions dont nous venons de tracer le tableau. Son mauvais génie, peu satisfait des chagrins qu’elle avoit essuyés au sujet de Blifil, lui suscita un nouvel adorateur qui ne paroissoit pas devoir lui causer moins de tourment que le premier ; car sa tante, sans être aussi violente que son père, appuyoit avec une extrême chaleur les prétentions de Fellamar.

Le dîner fini, quand les domestiques se furent retirés, mistress Western, qui avoit déjà dit un mot du lord à Sophie, lui annonça sa visite pour l’après-midi et l’intention où elle étoit de saisir la