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vais sujets ; mais la charité n’adopte pas les vices de ceux qu’elle soulage.

— Ô monsieur, ce n’est pas sans une secrète inspiration de la Providence que vous vous êtes servi du mot d’adoption. Votre fils adoptif, monsieur, ce Jones, ce misérable que vous avez nourri dans votre sein, vient de se montrer le plus grand des scélérats.

— Par tout ce qu’il y a de sacré sur la terre, cela est faux ! s’écria mistress Miller. M. Jones n’est point un scélérat ; c’est le meilleur jeune homme qui existe ; et si tout autre que vous l’eût appelé scélérat, je lui aurois jeté cette eau bouillante au visage. »

M. Allworthy parut étonné d’un tel emportement. « Monsieur, dit mistress Miller sans lui laisser le temps de parler, j’espère que vous ne vous fâcherez point contre moi. Je ne voudrois pour rien au monde vous offenser ; mais je n’ai pu souffrir, je l’avoue, d’entendre traiter ainsi M. Jones.

— Je suis, madame, un peu surpris, répondit Allworthy d’un ton grave, à vous voir prendre avec tant de chaleur la défense d’un garnement que vous ne connoissez pas.

— Ah ! monsieur, je le connois, oui, je le connois. Il faudroit que je fusse la plus ingrate des femmes pour le renier. Il a été mon sauveur et