Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pauvre malade logée dans la chambre voisine. Descendons, je vous prie.

— Non, monsieur ; si vous ne voulez pas me laisser parler, j’ai fini. Tenez, monsieur, voici une lettre de ma maîtresse. Bien des gens payeroient cher une pareille faveur ; mais M. Jones ne se pique pas de générosité. J’ai pourtant ouï dire à quelques domestiques qu’il étoit d’usage… Quant à moi, vous en conviendrez, je n’ai pas encore vu la couleur de votre argent. »

Jones se saisit avidement de la lettre, puis il glissa cinq guinées dans la main de la messagère, la chargea tout bas de mille remercîments pour sa chère Sophie, et la pria de le laisser seul. Honora se retira en lui témoignant une vive reconnoissance de sa libéralité.

Lady Bellaston sortit alors de derrière le rideau. Dans l’excès de sa rage, elle ne put d’abord proférer une seule parole, mais des étincelles jaillissoient de ses yeux, et annonçoient le feu terrible dont son cœur étoit embrasé. Aussitôt qu’elle eut recouvré la voix, au lieu d’exhaler son indignation contre Honora ou contre ses gens, elle s’en prit à Jones. « Vous voyez, s’écria-t-elle, tout ce que je vous ai sacrifié ; ma réputation, mon honneur, sont perdus sans retour. Et comment avez-vous reconnu ma tendresse ? je suis négligée, méprisée pour une petite campagnarde, pour une idiote !